Améliorer l’accès à l’université en simplifiant le processus de candidature
Résumé
En Amérique du Nord, les taux d’inscription à l’université varient énormément selon les revenus. En 2015, seuls 12% des jeunes Américains issus de foyers à faibles revenus avaient terminé une licence à l’âge de 24 ans, contre 58% des jeunes du quartile correspondant aux revenus les plus élevés [1]. La complexité du processus de candidature, puis d’inscription à l’université peut constituer un obstacle important à l’accès aux études supérieures. Or, les élèves issus de familles à faibles revenus sont souvent confrontés à des obstacles supplémentaires, et ce alors même qu’ils sont généralement moins bien accompagnés par leur établissement scolaire pour mener à bien cette procédure. Les chercheurs ont évalué une série de programmes conçus pour venir en aide aux lycéens à chaque étape de la procédure de candidature, puis d’inscription, notamment en envoyant des courriers d’information présentant les différents établissements, en supprimant les frais d’inscription et en envoyant des SMS aux élèves pour leur rappeler de faire les tâches requises pour s’inscrire.
Une synthèse de cinq évaluations aléatoires portant sur des interventions conçues pour améliorer l’accès à l’université aux États-Unis et au Canada suggère que le fait de simplifier le processus de candidature pour le rendre plus facile à terminer peut contribuer à augmenter les taux d’inscription à l’université et de poursuite des études. Les interventions qui aidaient les lycéens à aller au bout de ces procédures complexes ont réussi à avoir un impact significatif à un coût relativement réduit. Pour encourager les jeunes à faire des études supérieures, les décideurs politiques, le personnel responsable des inscriptions et les enseignants peuvent donc simplifier le processus de candidature, proposer un accompagnement personnalisé et dispenser les élèves des frais d’inscription.
Étape | Obstacles | Interventions évaluées |
---|---|---|
Développer la motivation pour faire des études supérieures et suivre les cours nécessaires au lycée | Absence de culture des études supérieures ou manque d’information à ce sujet Normes sociales qui découragent la préparation scolaire nécessaire à l’entrée à l’université |
|
Sélectionner les universités où envoyer un dossier de candidature | Difficulté à sélectionner les établissements les plus adaptés, en particulier chez les lycéens brillants issus de foyers à faibles revenus | Mise en place d'un accompagnement en classe pour aider les élèves à sélectionner des universités Envoi de courriers semi-personnalisés présentant les différents établissements possibles |
Faire des demandes d’admission à l’université | Processus de candidature complexe et décourageant Frais élevés de candidature et de passage d’examens |
Mise en place d’un accompagnement au niveau des lycées Tutorat Suppression des frais d’inscription |
Demander une aide financière | Processus de demande complexe et décourageant Incertitudes liées à l’éligibilité |
Assistance personnalisée |
Être admis à l’université et s’y inscrire | Tâches supplémentaires requises pour l’inscription Frais inattendus, frais de transport et coût matériel Acomptes sur les frais de scolarité et retards dans le versement de l’aide financière |
SMS de rappel Mentorat par les pairs |
Outre les difficultés liées à la réussite scolaire au quotidien, il existe de nombreux obstacles spécifiques à chaque étape de la procédure complexe de candidature à l’université. Les chercheurs ont évalué plusieurs programmes conçus pour aider les lycéens à surmonter ces obstacles et à réussir chacune des étapes de leur transition vers le supérieur.
Résultats
La mise en place d’un accompagnement personnalisé a un impact positif à chaque étape de la procédure de candidature, puis d’inscription dans le supérieur. Au début du processus, la mise en place d’un accompagnement collectif en classe ainsi que d’un soutien individuel ont permis d’aider les lycéens à sélectionner les établissements où ils allaient postuler, puis à remplir leurs dossiers de candidature. Dans des lycées de l'Ontario, au Canada, l’organisation d’ateliers d’aide à la candidature basés sur un outil en ligne, combinés à une suppression des frais d’inscription, ont permis d’augmenter les taux de candidature à l’université de 13,6 points de pourcentage et les taux d’inscription de 5,2 points de pourcentage [2].
Dans le New Hampshire, un dispositif de mentorat individuel mis en place tout au long du processus de candidature a également permis d’augmenter les taux d’inscription à l’université, en particulier chez les filles. Ce dispositif d’encadrement par les pairs a ainsi permis d’augmenter le taux d’inscription dans le supérieur de 6,0 points de pourcentage pour l’ensemble des élèves et de 14,6 points de pourcentage pour les lycéennes en particulier [3].
La mise en place d’un accompagnement personnalisé a également aidé les élèves dans leurs démarches de demande d’aide financière. Les lycéens dont les familles avaient bénéficié de l’aide individuelle d’un conseiller fiscal pour remplir les formulaires de demande d’aide financière fédérale dans l’Ohio et en Caroline du Nord étaient plus susceptibles de déposer des demandes d’aide financière, de bénéficier d’une telle aide, de s’inscrire à l’université et de poursuivre leurs études [4].
Même une fois que les élèves sont admis dans un établissement du supérieur et ont déposé des demandes d’aide financière, ils font encore face à des obstacles à l’entrée à l’université. Jusqu’à 20% des lycéens qui sont admis et ont l’intention d’aller à l’université finissent par ne pas s’y inscrire. Or, la mise en place d’un accompagnement personnalisé peut également aider les élèves admis dans le supérieur à franchir les dernières étapes de la procédure d’inscription, en particulier dans le cas d’établissements proposant un cursus en quatre ans. Dans plusieurs villes du Massachusetts et de Pennsylvanie, des programmes d’accompagnement assurés par des étudiants, pendant l’été précédant l’entrée à l’université ont permis d’augmenter le taux final d’inscription pour des cursus en quatre ans de 4,5 points de pourcentage. En revanche, ils n’ont eu aucun effet sur le taux d’inscription pour les cursus en deux ans [5]. De façon similaire, à Rhode Island, dans le Massachusetts et en Géorgie, trois programmes d’été proposant une aide à l’entrée dans le supérieur ont permis d’augmenter le taux d’inscription pour les cursus en quatre ans [6] [7].
Le fait de fournir aux lycéens des informations génériques sur les études supérieures sans autre intervention n’a eu aucun impact détectable sur le taux d’inscription à l’université. Dans l’Ohio et en Caroline du Nord, la mise à disposition d’informations sur les aides financières sans accompagnement personnalisé n’a pas permis d’augmenter le nombre de FAFSA déposés (un formulaire de demande d’aide financière fédérale destiné aux étudiants), le nombre de bénéficiaires d’une aide financière ou le taux d’inscription à l’université [4].
De même, dans le New Hampshire, l’envoi aux élèves de terminale de courriers contenant des informations sur les études supérieures (qui mettaient en avant les avantages des études universitaires et contenaient un lien vers le formulaire de candidature en ligne), sans suppression des frais d’inscription ni mentorat direct, n’a pas non plus eu d’effet [3]. Il semble donc que fournir aux lycéens des informations génériques sans autre type d’intervention ne suffise pas à encourager les inscriptions à l’université.
La mise à disposition d’informations semi-personnalisées combinées à une suppression des frais d’inscription a eu un impact sur les établissements où les lycéens ont choisi de déposer une candidature et de s’inscrire. Si les informations génériques n’ont eu aucun impact, la mise à disposition d’informations personnalisées a aidé les élèves à sélectionner des établissements adaptés à leur profil et à y envoyer un dossier de candidature. La majorité des élèves brillants issus de foyers à faibles revenus ne postulent et ne s’inscrivent pas dans les mêmes établissements que leurs pairs issus de foyers à plus hauts revenus, et ce malgré un niveau de qualification égal. Ils sont par ailleurs très peu à postuler dans des universités sélectives.
Aux États-Unis, l’envoi de courriers personnalisés contenant des informations sur les établissements sélectifs, détaillant le coût prévisionnel des études et offrant une suppression des frais d’inscription a encouragé les lycéens brillants issus de foyers à faibles revenus à postuler dans des établissements sélectifs et à s’y inscrire en plus grand nombre. Après avoir reçu les courriers personnalisés, les lycéens se sont inscrits dans des établissements dont le taux d’obtention de diplôme, les dépenses éducatives et les dépenses à destination des étudiants étaient plus élevés [8].
De même, les ateliers mis en place dans des lycées de l’Ontario, au Canada, avaient pour composante centrale un outil en ligne personnalisé qui fournissait aux élèves des suggestions d'établissements potentiels en fonction de leurs notes. Une version moins personnalisée de ce programme a également permis d’augmenter les taux de candidature mais n’a eu aucun impact sur les taux d’inscription à l’université. Il semble donc que la liste personnalisée d’établissements potentiels ait joué un rôle important pour garantir que les lycéens postulent dans des établissements pour lesquels ils avaient le niveau requis et qui semblaient correspondre à leur profil [2].
L’envoi opportun de rappels portant sur des étapes spécifiques de la procédure, par exemple des SMS rappelant de faire certaines tâches concrètes, a également permis d’augmenter les taux d’inscription. Dans le Massachusetts et au Texas, l’envoi de SMS aux élèves, et si possible à leurs parents, pour leur rappeler les différentes tâches à accomplir a permis d’augmenter le taux d’inscription pour les cursus en deux ans de 3,0 points de pourcentage (par rapport à un taux de départ de 20,2%). En revanche, la campagne de SMS n’a pas eu d’influence sur les inscriptions pour les cursus en quatre ans [9]. Cependant, dans le Massachusetts, en Floride et en Géorgie, à la suite d’envoi de SMS, les élèves ont été plus nombreux à accomplir l’ensemble des tâches requises pour s’inscrire, et les taux d’inscription ont augmenté modérément [9] [10]. Les campagnes de SMS ont également provoqué une légère augmentation du nombre de demandes d’aide financière et aidé les élèves à prendre des décisions informées et proactives en matière de prêt étudiant [11] [12].
La suppression des frais d’inscription est un élément clé des programmes les plus efficaces. La suppression de ces frais a joué un rôle important dans l’augmentation du nombre de candidatures à l’université et s’est avérée essentielle dans différents programmes comme par exemple celui consistant, aux Etats-Unis, à envoyer des courriers personnalisés. Grâce à cette suppression des frais, les familles étaient plus susceptibles de prendre au sérieux la documentation reçue et les élèves étaient plus susceptibles de se souvenir avoir reçu les courriers d’information [8].
De même, lorsque le programme mené dans les lycées de l’Ontario comprenait une suppression des frais d’inscription, les taux de candidature et d’inscription ont augmenté. En revanche, en l’absence de suppression de ces frais, le programme n’a eu qu’un impact négligeable, voire négatif, sur les taux de candidature et d’inscription [2].
Ces interventions sont particulièrement efficaces pour les élèves qui ne bénéficient que d’un soutien limité dans leurs démarches en vue d'une entrée dans le supérieur. Les chercheurs suggèrent que les interventions qui s’avèrent efficaces sont particulièrement bénéfiques pour les élèves qui n’ont que peu voire pas d’autres sources de soutien dans leur transition vers le supérieur. Par exemple, les ateliers organisés dans des lycées de l’Ontario, au Canada, ont particulièrement bénéficié aux élèves qui manquaient de confiance en eux sur le plan scolaire, qui ne recevaient pas d’aide de leurs parents pour remplir leurs dossiers de candidature, ou qui étaient défavorisés de quelque autre manière que ce soit [2]. Le programme basé sur l’envoi de courriers d’informations et comprenant la suppression des frais d’inscription aux États-Unis a lui aussi profité davantage aux élèves issus de foyers à faibles revenus et scolarisés dans des lycées où peu d’élèves se classent dans le décile supérieur aux tests de niveau pour l’entrée à l’université [8].
De même, le mentorat par des étudiants du premier cycle au cours du processus de candidature [3], l’accompagnement par des pairs durant l’été qui précède l’entrée à l’université [5] et l’envoi de SMS de rappels concernant les tâches nécessaires pour s’inscrire [5] ont été particulièrement bénéfiques pour les élèves ne recevant aucun soutien dans leurs démarches de candidature de la part de leurs enseignants, de leurs parents ou de toute autre source. En particulier, les SMS de rappel ont eu des effets plus prononcés à Lawrence et à Springfield, deux villes du Massachusetts qui ne comptent que très peu d'organisations d’aide à l’entrée à l’université, par rapport aux effets observés à Boston, Massachusetts et à Dallas, Texas, deux villes qui offrent davantage de possibilités en matière de soutien aux candidatures universitaires.
Responsables de secteur: Karthik Muralidharan and Philip Oreopoulos | Auteur: Sophie Shank
Abdul Latif Jameel Poverty Action Lab (J-PAL). 2018. "Increasing college access by making the application process easier." J-PAL Policy Insights. Dernière modification: février 2018. https://doi.org/10.31485/pi.2327.2018