RCA: un programme de transferts monétaires vers des jeunes défavorisés, en France

Researchers:
Romain Aeberhardt
Vera Chiodi
Mathilde Gaini
Léopold Gilles
Nelly Guisse
Augustin Vicard
Fieldwork by:
Location:
Strasbourg, France
Sample:
5 498 jeunes âgés de 18 à 23 ans
Chronologie:
2011 - 2014
Target group:
  • Job seekers
  • Youth
Outcome of interest:
  • Employment
  • Take-up of program/social service/healthy behavior
Intervention type:
  • Cash transfers
  • Job counseling
  • Conditional cash transfers
Partners:
En 2012, un jeune Français sur quatre était au chômage. Ceux qui ne l’étaient pas occupaient souvent un emploi temporaire et mal rémunéré. Des chercheurs ont réalisé une évaluation afin de déterminer si la mise en place d’un transfert monétaire conditionnel à destination des jeunes âgés de 18 à 23 ans pouvait encourager ces derniers à participer à un programme d’accompagnement à la recherche d’emploi et les aider, à terme, à obtenir un emploi plus durable et mieux rémunéré. Si l’allocation a permis d’accroître la participation au programme d’accompagnement, elle n’a pas renforcé les efforts de recherche d’emploi des participants, ni leur taux d’emploi. À court terme, les allocations ont eu un impact négatif sur l’emploi. 

Policy issue

En France et dans d’autres pays d’Europe, les jeunes ont souvent des difficultés à trouver et à conserver un emploi durable. Ils n’ont pas forcément le réseau nécessaire pour les informer des offres d’emploi, les mettre en contact avec des recruteurs potentiels et leur permettre de se faire une image réaliste des attentes des employeurs. Pour remédier à ce problème, un grand nombre d’agences publiques et d’organismes à but non lucratif proposent des services d’accompagnement à la recherche d’emploi. En aidant les jeunes à identifier les opportunités d’emploi et en les accompagnant tout au long du processus de candidature et d’entretien, ces programmes peuvent les aider à trouver un poste permanent qui leur permette de progresser dans leur carrière. Cependant, les jeunes choisissent souvent de ne pas y participer. Il est possible qu’ils ne perçoivent pas l’intérêt immédiat de participer à un programme dont ils ne tireront la majorité des bénéfices qu’à plus long terme. Participer à un programme d’accompagnement professionnel demande beaucoup de temps, et les jeunes peuvent trouver plus utile de consacrer ce temps à un emploi peu qualifié et mal rémunéré.

Le versement d’une petite allocation aux jeunes à condition qu’ils s’inscrivent à un programme d’accompagnement vers l’emploi peut faire augmenter le taux de participation à ce programme. Les transferts monétaires conditionnels, très largement utilisés dans le cadre des politiques d’éducation et de santé dans les pays en développement, ont fait l’objet de nombreuses évaluations. Ces dispositifs, qui ciblent souvent les familles ayant des enfants et des adolescents, se sont révélés efficaces pour encourager les bénéficiaires à aller à l’école ou à consulter des professionnels de santé. La présente étude est l’une des premières à évaluer la capacité des transferts monétaires conditionnels à accroître la participation des jeunes à un programme d’accompagnement vers l’emploi et à favoriser l’accès de ces derniers à un emploi plus stable dans le contexte d’un pays développé.

Context of the evaluation

Le taux de chômage des jeunes est élevé en France : en 2012, environ 24 % des jeunes âgés de 15 à 24 ans étaient sans emploi. Bon nombre de ces jeunes sont sortis du système scolaire sans diplôme, ce qui complique leur accès à un emploi permanent.

En 2005, le gouvernement français a lancé un dispositif national d’aide à l’insertion professionnelle, le Contrat d’insertion dans la vie sociale (CIVIS), mis en œuvre par des organismes locaux à but non lucratif proposant des services d’accompagnement vers l’emploi dans tout le pays. Les participants signaient un contrat d’un an énonçant à la fois leurs responsabilités et les différents services dont ils avaient le droit de bénéficier. Les jeunes devaient voir un conseiller tous les mois pour établir un plan de carrière et identifier des formations, des stages ou des offres d’emploi. Cependant, le taux de participation au programme CIVIS est resté faible et le taux d’abandon élevé. Pour encourager la participation et l’adhésion au programme, le gouvernement a donc lancé un dispositif expérimental de transfert monétaire, le Revenu Contractualisé d’Autonomie (RCA).

Details of the intervention

Des chercheurs ont réalisé une évaluation pour déterminer si le versement d’une allocation mensuelle conditionnelle, le Revenu Contractualisé d’Autonomie (RCA), permettait d’accroître le taux de participation à un programme d’insertion professionnelle proposé par les missions locales et, à terme, d’aider les jeunes à obtenir un emploi mieux rémunéré et plus durable.

82 missions locales situées sur tout le territoire français ont été assignées aléatoirement à deux groupes distincts par les chercheurs. Dans la moitié de ces missions locales, tous les jeunes ayant signé un contrat CIVIS en février 2011 se sont vu proposer un nouveau contrat de deux ans leur permettant de recevoir une allocation mensuelle en plus des services offerts dans le cadre du dispositif existant (groupe RCA). Les jeunes qui avaient signé un contrat CIVIS en mars 2011 ne se sont pas vu offrir d’allocation et ont servi de groupe témoin (groupe CIVIS). Dans les 41 autres missions locales, les chercheurs ont inversé la procédure : les jeunes inscrits en mars se sont vu proposer le contrat RCA, tandis que ceux inscrits en février ont gardé le contrat CIVIS pour servir de groupe témoin.

En tout, 5 498 jeunes ont participé à l’étude. Les membres du groupe RCA recevaient une allocation mensuelle pouvant aller jusqu’à 250 euros (environ 340 USD) à condition de participer au programme d’accompagnement vers l’emploi. En outre, le montant de l’allocation diminuait progressivement à mesure que les revenus d’activité des jeunes bénéficiaires augmentaient, et les versements cessent complètement si le participant obtenait un emploi à temps complet avec un salaire au moins égal au SMIC.

Results and policy lessons

Si le versement de l’allocation conditionnelle mensuelle a permis d’accroître la participation au programme d’accompagnement vers l’emploi, elle n’a pas renforcé les efforts de recherche d’emploi des participants, ni leurs perspectives d’emploi à terme. Les allocations ont en outre eu un impact négatif sur l’emploi à court terme.

L’allocation mensuelle a augmenté la participation au programme d’accompagnement vers l’emploi. Sur les 2 661 jeunes qui se sont vu proposer un contrat assorti d’une allocation, 82 % ont signé le contrat. Ces jeunes du groupe RCA ont passé en moyenne 21,7 mois dans le programme, contre 12,1 mois pour ceux du groupe CIVIS. Chez les bénéficiaires de l’allocation, le nombre d’entretiens d’accompagnement effectués au cours de la première année a également augmenté, avec 14,6 entretiens dans le groupe RCA contre 8,1 chez les jeunes du groupe CIVIS.

En revanche, cette augmentation de la participation ne s’est pas traduite par une intensification des efforts de recherche d’emploi, ni par l’accès des bénéficiaires à de meilleurs emplois. En effet, deux ans après le début du programme, les jeunes du groupe RCA n’avaient pas intensifié leurs efforts de recherche d’emploi en reprenant une formation, en effectuant un stage ou en répondant à des offres d’emploi, et ils n’étaient pas plus susceptibles d’avoir trouvé un emploi que les jeunes du groupe CIVIS.

Au cours des six premiers mois du programme, l’allocation a par ailleurs eu un impact négatif sur le taux d’emploi. En effet, au cours de cette période, les jeunes bénéficiaires de l’allocation mensuelle ont travaillé 2,1 mois en moyenne. Par comparaison, les membres du groupe CIVIS ont travaillé en moyenne 2,31 mois, soit 9 % de plus que le groupe bénéficiant de l’allocation.

Ces résultats montrent que l’allocation mensuelle n’a pas permis de renforcer les efforts de recherche d’emploi ni d’améliorer la situation d’emploi des bénéficiaires, et que, à court terme, elle a eu des effets désincitatifs. Les jeunes recevaient automatiquement l’allocation mensuelle, qu’ils fassent ou non de réels efforts pour trouver un meilleur emploi. En outre, il est possible que le programme ait découragé les jeunes de chercher un emploi rémunéré à court terme, dans la mesure où le montant de l’allocation diminuait dès qu’ils commençaient à percevoir des revenus d’activité. Dans les prochaines versions du programme, les chercheurs pourraient évaluer l’effet d’une conditionnalité renforcée des aides en tenant compte des performances des allocataires en matière de recherche d’emploi, et de possibilités de cumul plus importantes entre allocations et revenus d’activité.

http://www.povertyactionlab.org/publication/revenu-contractualis%C3%A9-d%E2%80%99autonomie-rapport-final

 

http://www.povertyactionlab.org/publication/revenu-contractualis%C3%A9-d%E2%80%99autonomie-rapport-final