Si les taux d’inscription dans les écoles primaires du monde entier ont connu de nets progrès, la qualité de l’enseignement reste insuffisante dans de nombreux pays. Beaucoup d’enfants qui sont allés à l’école restent aujourd’hui incapables de lire ou de faire des opérations arithmétiques de base. Certains pensent qu'une supervision et une participation de la communauté est le moyen pour améliorer la qualité de l’enseignement. Pourtant il existe peu de preuves rigoureuses de ce postulat. Quels sont les moyens à mettre en œuvre pour encourager cette participation de la communauté ? Une action directe des communautés est-elle plus efficace pour l’alphabétisation de leurs enfants ?
Dans l’État d’Uttar Pradesh, État le plus peuplé d’Inde, de nombreux districts affichent des taux d’illettrisme supérieurs à 50%.i En 2001, pour réagir à cette situation, le gouvernement a institué dans chaque village des Comités de Village pour l’Education (CVE). Ces CVE sont constitués de l’élu responsable de l’administration du village (Pradhan), du professeur principal de l’école locale et de trois parents désignés par la communauté. Ces comités sont chargés du suivi des performances de l’école, de solliciter des fonds publics et d’embaucher un enseignant supplémentaire sous contrat en cas de sureffectif dans les classes.
En dépit des aspects prometteurs de ce programme, une enquête menée en 2005 a indiqué que 38 % des membres des CVE ne savaient pas vraiment à quoi correspondait cette fonction, tandis que 25 % d’entre eux ne savaient même pas que ce rôle leur incombait. Seuls 3,6 % de tous les membres de CVE savaient qu’ils étaient habilités à solliciter des fonds pour embaucher un enseignant supplémentaire, ce qui est l’une des principales prérogatives de ces VEC.
Travaillant conjointement avec Pratham (une OGN indienne) et la Banque Mondiale, les chercheurs ont conçu trois interventions réparties de manière aléatoire dans 280 villages situés sur les quatre zones rurales du district de Jaunpur, dans l’Etat d’Uttar Pradesh oriental, une région de l’Inde connue pour sa surpopulation et ses difficultés dans le domaine scolaire. Ces interventions ont permis de déterminer si une meilleure information et des encouragements à utiliser les outils disponibles permettraient d’inciter les CVE et les membres de leurs communautés à solliciter et recevoir de meilleurs services. Les chercheurs ont comparé ces efforts aux actions directes visant à améliorer l’enseignement en dehors des canaux officiels.
Impact sur le manque d’information : L’effet moyen de ces trois programmes fut une augmentation de 7,8% du nombre de membres des CVE qui savaient pouvoir solliciter des fonds publics, et de 13% du nombre des membres ayant reçu une formation adéquate. Les parents se trouvaient 2,6 % plus susceptibles d’être au courant de l’existence d’un CVE dans leur communauté.
Impact sur l’engagement : En dépit d’une sensibilisation accrue, on n’a constaté aucune différence notable au niveau de l’efficacité des CVE si l’on compare les villages du groupe test à ceux du groupe témoin. La seule différence a été que 20 % d’enseignants sous contrat de plus ont été embauchés dans les villages de l’Intervention 2 (bien que cela n’ait pas été le cas dans les villages de l’Intervention 3). Par ailleurs, ces interventions n’ont pas résulté en une augmentation du niveau d’implication des parents auprès des écoles. Les parents n’étaient pas plus susceptibles de se rendre à l’école ou d’y contribuer en temps ou en argent dans les villages du groupe test que dans ceux de l’échantillon témoin.
Impact sur la lecture : dans 55 des 65 villages du groupe de l’Intervention 3, des bénévoles ont donné au total 400 cours de lecture. A l'issue des cours, un élève moyen qui ne savait pas lire quoique ce soit lors de l’enquête initiale, était 7,9 % plus susceptible de pouvoir au moins déchiffrer l’alphabet. Ceux qui ne savaient lire que les lettres étaient 3,5% plus susceptibles de pouvoir lire au moins des paragraphes ou des mots entiers, et 3,3 % plus susceptibles de lire des histoires. Ces évolutions en termes d’alphabétisation au niveau du village sont intervenues malgré le fait que seuls 8 % des enfants étaient scolarisés, dont 13 % de ceux ne sachant pas reconnaître une lettre avant l’intervention. Si l’on prend le postulat que la totalité de l’amélioration constatée dans les villages était liée aux classes de soutien à la lecture, alors les élèves qui ont suivi ces cours de lecture ont faire de gros progrès en lecture. En particulier, les enfants qui ne savaient pas du tout lire lors de l'enquête initiale mais qui ont bénéficié de ces cours de soutien étaient au bout du compte capables de lire des lettres, et 98 % de ceux qui étaient au départ capables de lire un mot ou un paragraphe, étaient en mesure de lire une histoire à la fin de l’expérience.
Il s'agit de la seule intervention qui a réellement permis d’améliorer le niveau d’instruction en fin de scolarité. Cela semble indiquer qu’en encourageant une action locale, qui ne nécessite pas forcément la participation du plus grand nombre, on dispose d’un moyen direct d’améliorer les résultats scolaires.