Éviter les accidents domestiques des personnes âgées, en France
- Seniors (65+)
- Take-up of program/social service/healthy behavior
- Information
- Risk mitigation
- Preventive health
- Subsidies
- Pricing and fees
Policy issue
Les accidents domestiques comme les chutes restent une cause majeure de blessure, de perte d’autonomie et de décès chez les personnes âgées. Ces blessures ont un coût significatif pour les personnes âgées, que ce soit le coût direct des traitements et des soins médicaux ou des coûts indirects tels que la perte de productivité et d’autonomie. Des recherches suggèrent que l’installation préventive d’équipements de sécurité à domicile, comme l’ajout de mains courantes ou de garde-corps dans les escaliers, sur les murs et le long des rampes d’accès, peut réduire les risques de chute. Pourtant, très peu de personnes âgées font ce type d’investissements préventifs. Cette situation s’explique peut-être, entre autres, par un manque d’information des personnes âgées concernant les risques de chute et leurs conséquences possibles en matière de santé. A l’inverse, comme l’ont montré de précédentes études menées par des professeurs affiliés à J-PAL, si les mesures d’aménagement préventif coûtent cher, il est également possible que les foyers soient réticents à investir. Une offre d’informations et de subventions peut-elle permettre d’augmenter la demande d’aménagements de sécurité dans les logements ?
Context of the evaluation
En France, les chutes sont responsables de plus de 80 % des blessures accidentelles chez les personnes âgées. En 2005, 24 % des adultes âgés de 65 à 75 ans disaient avoir été victimes d’une chute au cours de l’année précédente, et on estimait à 450 000 le nombre de chutes ayant nécessité des soins d’urgence.1 En 2004, la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse (CNAV), le fonds national d’assurance retraite français, a lancé un programme dont l’objectif était d’aider les personnes âgées à rester vivre chez elles de façon autonome et en toute sécurité. Les agents de la CNAV proposaient aux participants du programme de procéder à une visite de leur domicile afin d’évaluer quels aménagements seraient éventuellement nécessaires pour le rendre plus sûr. Les participants pouvaient également demander une subvention pour couvrir une partie des coûts liés à l’installation d’équipements de sécurité. Cependant, en 2011, seuls 0,2 % des retraités résidant en Île-de-France étaient inscrits à ce programme.
Details of the intervention
En partenariat avec la CNAV, les chercheurs ont mené une évaluation aléatoire pour déterminer si le fait de fournir différents types d’incitations et d’informations aux personnes âgées avait un impact sur la probabilité que ces dernières fassent aménager leur logement pour le rendre plus sûr. Les chercheurs ont sélectionné aléatoirement 48 090 retraités dans les registres de la CNAV pour participer à l’étude. Ils ont ensuite assigné aléatoirement 42 079 participants à recevoir l’un des quatorze prospectus prévus, tandis que les 6 011 retraités restants n’ont reçu aucun prospectus.
- Le prospectus standard (Prospectus 1) fournissait des renseignements sur les services offerts par la CNAV, ainsi qu’une brève description du programme d’aménagement des logements.
- Prospectus offrant des subventions :
- Le prospectus de subvention standard (Prospectus 2) fournissait des informations sur les subventions standards offertes par la CNAV, qui variaient selon les revenus du demandeur.
- Les prospectus de subvention additionnelle (Prospectus 3, 4, 5 et 6) donnaient des informations sur les subventions standards et proposaient aux destinataires des subventions additionnelles pour réduire encore le coût des aménagements au-delà du montant des subventions standards. Les prospectus 3, 4, 5 et 6 offraient respectivement des subventions à hauteur de 15, 35 ou 100 % du coût total, ou de 20 % à condition de s’inscrire au programme avant une date limite spécifique.
- Le prospectus de simplification du processus (Prospectus 7) expliquait étape par étape comment faire une demande de subvention standard et procéder à l’aménagement de son logement.
- Prospectus contenant des informations sur les risques de chute :
- Les prospectus d’information sur les risques de chute (Prospectus 8, 9 et 10) décrivaient ces risques et expliquaient qu’investir dans des équipements de sécurité pouvait contribuer à les réduire. Les informations fournies prenaient respectivement la forme d’un tableau statistique (prospectus 8), du témoignage d’une retraitée (prospectus 9) ou d’une lettre personnalisée de la part du directeur de la CNAV (prospectus 10).
- Le prospectus d’information à message négatif (Prospectus 11) insistait sur les pertes potentielles liées au fait d’avoir besoin d’une aide à domicile suite à une chute.
- Le prospectus d’information à message positif (Prospectus 12) se concentrait sur les bienfaits potentiels des méthodes de prévention des accidents.
- Enfin, les prospectus d’information sur les perceptions (Prospectus 13 et 14) incluaient un graphique comparant les « risques perçus » et les « risques réels » de chute. Le prospectus 13 suggérait que les gens ont tendance à penser que le risque de chute est plus faible que ce qu’il est réellement, tandis que le prospectus 14 montrait que le niveau de risque perçu correspondait au risque réel.
Les chercheurs ont comparé les effets de deux interventions différentes : l’envoi aux participants de prospectus contenant des informations standards sur les services offerts par la CNAV, et l’envoi de prospectus donnant des renseignements supplémentaires sur les réductions de coûts ou les risques de chute et leurs conséquences. Les chercheurs ont collecté des données administratives et des données d’enquête sur une période de 17 mois pour mesurer la perception du risque chez les participants, les projets d’investissements de sécurisation des logements et le taux de participation au programme.
Results and policy lessons
Le fait d’offrir à la fois des subventions et des informations par l’intermédiaire des prospectus a fait progresser le taux d’adoption d’équipements de sécurité domestique, mais la participation globale au programme est malgré tout restée faible. En effet, le taux de participation allait de 0,9 % dans le groupe témoin à un maximum de 1,8 % dans le groupe ayant reçu des informations sur la perception des risques.
Les informations se sont avérées particulièrement efficaces lorsque le message se concentrait sur la perception du risque par les individus. Les prospectus suggérant que les risques perçus de chute étaient identiques aux risques réels ont été les plus efficaces pour encourager la participation, faisant augmenter le nombre d’inscriptions au programme de 0,87 points de pourcentage, par rapport à une moyenne de 0,9 % dans le groupe témoin (soit une augmentation de 94 %). Le fait d’expliquer les risques de chute à l’aide d’un tableau statistique ou d’insister sur les bienfaits de la prévention des accidents s’est également avéré efficace, avec toutefois un impact légèrement plus faible.
Les résultats soulignent par ailleurs que la façon dont les informations sont formulées a de l’importance. Les prospectus qui insistaient sur les bienfaits des méthodes de prévention des accidents ont fait augmenter le taux de participation de 0,67 points de pourcentage (soit une augmentation de 72 %), alors que ceux qui insistaient sur les pertes liées au fait d’avoir besoin d’une aide à domicile n’ont eu aucun impact.
Les prospectus offrant des subventions ont eux aussi fait augmenter le taux de participation. De tous les prospectus offrant des subventions, ce sont ceux qui proposaient des aménagements gratuits qui ont eu le plus d’effet, faisant augmenter la participation au programme de 0,77 points de pourcentage (soit une hausse de 83 %). Les prospectus offrant des subventions additionnelles sous condition d’engagement et ceux qui fournissaient une explication étape par étape du processus de candidature pour l’installation d’équipements domestiques ont eux aussi fait augmenter la probabilité d’investir dans des aménagements du logement de 0,5 points de pourcentage environ.
Les informations sur la perception des risques ont été plus efficaces que l’offre de subventions. Les résultats suggèrent qu’il est plus efficace de fournir aux personnes âgées des renseignements sur les risques perçus de chute que de leur offrir des équipements de sécurité gratuits. Les retraités qui se sentaient exposés à un risque de chute à domicile sans pour autant être sûrs des risques réels ont ainsi été encouragés à participer au programme par la lecture d’un message confirmant que leur perception correspondait bien au risque réel.