Efficacité des incitations aux prestataires de service pour lutter contre l’anémie en Chine rurale
- Primary schools
- Anemia
- Student learning
- Information
- Subsidies
- Monetary incentives
Encourager les individus à adopter les bons comportements en matière de santé représente encore aujourd’hui un véritable défi, et ce malgré le caractère abordable et accessible des technologies et des services de santé. Des chercheurs ont mené une étude visant à déterminer si le fait de fournir des informations, des subventions et des incitations fondées sur la performance aux directeurs d’écoles primaires rurales de Chine pouvait contribuer à faire baisser la prévalence de l’anémie dans les écoles. Seules les écoles ayant reçu des incitations financières ont connu une baisse significative de la prévalence de l’anémie. Cependant, dans les cas où des incitations préexistantes liées aux résultats scolaires étaient également présentes, les informations et les incitations financières se sont toutes deux avérées efficaces pour réduire l’anémie.
Policy issue
Aujourd’hui, bien que les populations aient à leur disposition des technologies et des services de santé accessibles et peu coûteux, leur connaissance et leur utilisation de ces produits restent généralement faibles. Le fait que les prestataires de soins de santé ne reçoivent pas les bonnes incitations pourrait expliquer l’inefficacité de la distribution, et donc le faible taux d’utilisation de produits comme les moustiquaires imprégnées d’insecticide, les sels de réhydratation orale, les aliments enrichis et autres produits médicaux de base. Si c’est le cas, on pourrait envisager, pour améliorer la prestation de services, de récompenser les prestataires lorsqu’ils atteignent des objectifs souhaitables sur le plan social, notamment par le biais de dispositifs de rémunération aux résultats destinés à améliorer la situation sanitaire.
L’école pourrait constituer un lieu pertinent pour toucher un grand nombre d’enfants de manière pratique, rentable et efficace. En effet, il y a plus d’écoles que de dispensaires dans la majorité des pays, l’absentéisme est généralement deux fois moins élevé chez les enseignants que chez les professionnels de santé, et l’amélioration de l’état sanitaire et nutritionnel des enfants d’âge scolaire peut aussi avoir un impact sur les situations éducatives et économiques de la population. Le fait d’offrir des incitations financières aux prestataires de service, notamment les enseignants et les membres de l’administration scolaire, peut-il permettre d’améliorer la situation sanitaire de la population ?
Context of the evaluation
Cette étude a été menée dans des écoles primaires rurales du nord-ouest de la Chine. Malgré la croissance économique rapide que connaît le pays, la prévalence de l’anémie chez les enfants des zones rurales se situe entre 20 et 60%, ce qui représente plus de dix millions d’enfants affectés. Or on sait que l’anémie infantile peut être à l’origine d’un certain nombre d’effets indésirables, notamment une fatigue chronique mais aussi des retards de croissance et de développement cognitif. À terme, l’anémie peut nuire à l’acquisition de compétences adaptées au marché de l’emploi, ce qui peut contribuer à faire baisser le statut socioéconomique futur des individus. Il existe toutefois une solution potentielle pour résoudre ces problèmes persistants, qui passe par des interventions de nutrition simples et peu coûteuses.
Les chercheurs ont sélectionné dix comtés chinois identifiés comme défavorisés par rapport au reste du pays, situés dans deux districts où les taux d’anémie étaient particulièrement élevés : Ningxia et Qinghai. L’étude s’est ensuite concentrée sur les élèves de CM1 et de CM2 des écoles sélectionnées, dans la mesure où ce sont des enfants suffisamment âgés pour que leurs notes soient pertinentes, mais trop jeunes pour avoir atteint la puberté, période à laquelle les besoins nutritionnels sont différents.
Details of the intervention
Les chercheurs ont réalisé une évaluation randomisée pour déterminer si le fait de fournir des informations, des subventions scolaires et des incitations fondées sur les performances aux directeurs d’école pour les encourager à améliorer l’état de santé des élèves pouvait contribuer à réduire la prévalence de l’anémie. L’échantillon était composé de 3553 élèves de CM1 et de CM2 âgés de 9 à 11 ans, fréquentant 72 écoles primaires rurales sélectionnées aléatoirement dans le nord-ouest de la Chine.
Les écoles ont été affectées de façon aléatoire à l’une des trois interventions décrites ci-dessous.
- Campagne d’information : Les directeurs de quinze écoles ont reçu trois types d’informations sur l’anémie : (1) la part des élèves inscrits dans leur école qui souffraient d’anémie, (2) une description de méthodes efficaces pour lutter contre les carences en fer, et (3) des détails sur le lien entre anémie et assiduité scolaire, performances et développement cognitif.
- Campagne d’information + Subventions : Les directeurs de quinze écoles ont reçu les mêmes informations que ci-dessus, accompagnées d’une subvention de 1,5 yen (environ 0,22$) par élève, à utiliser pour financer des dépenses en matière de nutrition afin de lutter contre l’anémie.
- Campagne d’information + Subventions + Incitations : Les directeurs de quinze écoles ont bénéficié des deux interventions précédentes, et se sont également vu promettre une rémunération à la performance en cas de baisse de l’anémie chez leurs élèves. Ces directeurs pouvaient ainsi recevoir 150 yen (soit environ 22,50$) par élève ayant cessé de souffrir d’anémie au cours du programme.
Un quatrième groupe de 27 écoles sélectionnées aléatoirement n’a bénéficié d’aucun des programmes ci-dessus et a donc servi de groupe témoin.
Pour mieux comprendre le contexte dans lequel ces interventions étaient déployées, les chercheurs ont recueilli des informations sur les incitations financières préexistantes que les agences locales pour l’éducation offraient aux écoles en cas de bons résultats scolaires. Ainsi, avant la mise en place de l’intervention, environ 20% des écoles de l’échantillon recevaient déjà des incitations liées aux performances scolaires par le biais du système chinois d’évaluation des cadres. Ces incitations à visée éducative existaient au sein d’un groupe non-aléatoire d’écoles de l’échantillon et étaient mises en œuvre indépendamment des incitations à visée sanitaire.
Results and policy lessons
Seules les écoles ayant bénéficié d’incitations financières fondées sur la performance ont connu une baisse significative de la prévalence de l’anémie. Cependant, lorsque des incitations éducatives préexistantes étaient également en place, la campagne d’information et les incitations financières se sont toutes deux avérées efficaces pour faire baisser l’anémie. Les directeurs qui recevaient des incitations étaient plus susceptibles de mettre en œuvre des stratégies ciblées visant à augmenter l’apport en fer de leurs élèves et à réduire la prévalence de l’anémie dans leur école.
Changements dans la concentration de l’hémoglobine et la prévalence de l’anémie : Seul le groupe ayant reçu des incitations financières a connu une augmentation statistiquement significative des niveaux d’hémoglobine et une réduction significative de la prévalence de l’anémie parmi les élèves. Dans le groupe des incitations, les élèves avaient des taux d’hémoglobine plus élevés de 2,4g/L et la prévalence de l’anémie avait reculé de 5 points de pourcentage par rapport au groupe témoin.
Incitations liées aux résultats scolaires : Lorsque des incitations préexistantes à visée éducative étaient en place, la campagne d’information et les incitations ont été bien plus efficaces. Ces deux interventions ont alors permis de faire augmenter les taux d’hémoglobine de 9,8g/L et de 8,6g/L respectivement par rapport aux écoles sans incitations éducatives. De plus, la probabilité de constater l’existence d’une anémie chez les élèves a diminué de 11 points de pourcentage dans le groupe des informations et de 6 points de pourcentage dans le groupe des incitations. L’effet des subventions seules n’a pas varié avec les incitations liées aux résultats scolaires.
Réactions comportementales des directeurs : En réaction aux interventions ci-dessus, les directeurs ont mis en place trois grandes stratégies pour lutter contre l’anémie. Premièrement, par rapport au groupe des subventions, les directeurs du groupe des incitations à la performance ont mis en place des stratégies qui ciblaient spécifiquement l’augmentation de l’apport en fer plutôt que l’apport nutritionnel global, ce qui est cohérent avec le fait d’être directement incité à réduire l’anémie. Deuxièmement, en accord avec des recherches qui établissent un lien entre les performances scolaires et les améliorations nutritionnelles, les directeurs qui recevaient des incitations à la performance étaient plus susceptibles de se concentrer sur des programmes alimentaires que ceux des autres groupes. Troisièmement, par rapport au groupe témoin, les directeurs de tous les groupes test étaient plus enclins à fournir des informations sur l’anémie aux parents d’élèves. Cependant, les directeurs du groupe des informations l’ont fait de façon plus régulière lorsque leur école recevait également des incitations à améliorer les résultats scolaires.
Les incitations à la performance visant à améliorer la situation sanitaire semblent être une solution prometteuse pour développer la qualité des services et augmenter le recours aux produits et aux services de santé. Cependant, le contexte joue également un rôle, et de telles incitations doivent être mises en œuvre en harmonie avec les autres incitations préexistantes. Pour mieux comprendre les effets de différentes combinaisons d’incitations et de ressources affectées aux programmes, les chercheurs ont mené une étude de suivi portant sur la mise en œuvre d’un programme similaire de réduction de l’anémie en milieu scolaire dans l’ouest de la Chine.