Discriminations au sein du système judiciaire aux Etats-Unis
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Policy issue
En 2004, plus de 40 % des individus condamnés et incarcérés aux États-Unis étaient afro-américains, et le pourcentage d’hommes afro-américains était 7 fois supérieur à celui des hommes blancs. L’article "Equal Protection" du 14e amendement de la Constitution américaine prévoit le principe d’égalité de traitement des accusés quelle que soit leur origine ethnique, ce principe se trouve depuis longtemps au centre du système judiciaire américain. Des taux de condamnation ou une fixation des peines présentant des différences selon l'origine ethnique pourraient indiquer une violation de cet article : il s'agit donc d'une question importante à régler selon les dispositions légales. Néanmoins, il est possible que les disparités ethniques observées s’expliquent par d’autres facteurs, comme les niveaux de revenus, d’éducation, ou d’autres paramètres plus difficiles à identifier. Savoir si les accusés sont à égalité devant la justice quelle que soit leur origine ethnique présente également des implications sociales importantes. En effet, ces pratiques discriminatoires pourraient entraîner un creusement des inégalités et contribuer à maintenir une situation où la suspicion de discriminations ethniques aurait une influence sur le comportement criminel.
Context of the evaluation
Le comté de Cook, dans l’État d’Illinois, représente le plus grand dispositif judiciaire des États-Unis, avec plus de 2,4 millions d’affaires jugées chaque année dans les tribunaux civils et pénaux. C’est également une zone urbaine dotée d’une grande mixité ethnique : la population y est à 48 % blanche, 26 % afro-américaine et 20 % hispanique. Les tribunaux de l’État d’Illinois doivent respecter des directives qui recommandent des peines selon la catégorie de l’infraction. Des études antérieures ont montré que ces directives atténuent la variation des peines et condamnations d’un juge à l’autre, mais pas de manière significative. Les juges du tribunal du Comté de Cook sont d’abord soit nommés, soit élus ; leur reconduction est ensuite soumise à des élections ayant lieu tous les 6 ans.
Details of the intervention
Les chercheurs ont utilisé des données issues des tribunaux d’État du Comté de Cook, à commencer par les données des affaires criminelles introduites de 1995 à 2001. La composition ethnique est de 12 % de Blancs, 72 % d’Afro-Américains et 16 % d’Hispaniques, ce qui montre l’extrême disparité des taux de représentation en fonction de l’origine ethnique dans le système pénal américain. Cette évaluation cherche non pas à déterminer s’il existe des disparités dans les décisions rendues en fonction de l’origine ethnique, mais plutôt à déterminer si les juges issus des différents groupes ethniques présentent des différences systématiques dans leurs jugements. Autrement dit, certains juges ont-ils plus de chances de prendre des sanctions à l’encontre d’individus d’une origine ethnique en particulier ? S’il n’y a aucun biais ethnique, on s’attendrait à ce que les disparités dans la fixation des peines selon l’ethnie soit les mêmes pour tous les juges. Cependant, lorsque les affaires sont distribuées aléatoirement aux juges, toute différentiation des condamnations peut refléter une différence de traitement de la part de certains juges envers des groupes ethniques spécifiques.
Pour l’analyse initiale, la collecte de données s’est limitée aux accusés afro-américains ou blancs (sans tenir compte des 16 % d’Hispaniques). Les données excluent également les affaires présentant des circonstances exceptionnelles (par exemple, les crimes passibles de la peine capitale) qui auraient entraîné une assignation non aléatoire des affaires.
La distribution aléatoire des affaires aux juges est cruciale dans cette évaluation : elle garantit que chaque juge reçoit des individus accusés de faits similaires mais issus d’origines ethniques différentes. Une fois cette répartition aléatoire des affaires effectuée, les différences dans les décisions judiciaires peuvent être attribuées à des différences entre les juges, et non à des différences dans les caractéristiques des affaires ou des infractions.
Results and policy lessons
Les données montrent des disparités importantes de taux d’incarcération selon l’origine ethnique, ce qui confirme l’hypothèse que certains juges au moins prennent des décisions différentes suivant l’appartenance ethnique des accusés.
Les chercheurs ont enregistré un taux moyen d’incarcération de 30 % pour les Blancs et de 51 % pour les Afro-Américains. Comme déjà évoqué, cette disparité pourrait s’expliquer par des facteurs difficiles à observer. Cependant, lorsque l’on passe des juges du 10ème à ceux du 90ème centile en termes de discrimination ethnique, la disparité de taux d’incarcération augmente de 18 %, ce qui semble indiquer un écart important parmi les juges. La différence en termes de durée d’incarcération moyenne est estimée à 10 mois, mais cela ne peut pas être distingué statistiquement d’une situation où l’ethnie ne joue aucun rôle dans la durée de l’incarcération.
La façon dont l’ethnie influence les décisions prises diffère d’un juge à l’autre ; en revanche, les données ne permettent pas d’affirmer que des caractéristiques observables telles que le sexe ou l’âge des juges détermine les décisions qu’ils prennent à l’encontre de personnes ayant une certaine origine ethnique. De la même manière, il n’émerge aucune tendance systématique en fonction du parcours professionnel (par exemple, une expérience en tant que commis d’office). En revanche, les données montrent de manière plus claire que les juges afro-américains ont moins de chances de prendre des décisions discriminatoires en fonction de critères ethniques. Enfin, les juges qui prennent en général des décisions plus dures (mesurées par le taux d’incarcération) ont plus de chances de condamner à des peines de prison des Afro-Américains que des Blancs.