Compléter ou remplacer ? Les effets de la technologie sur la réussite scolaire en Inde
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Policy issue
Ces dix dernières années un grand nombre de pays en voie de développement ont amélioré l’accès à l’école primaire, encouragés par des initiatives comme les Objectifs du Millénaire pour le Développement des Nations Unies, qui visent à instaurer l'enseignement primaire universel d'ici 2015. Cependant, la qualité de l'enseignement dans ces pays, reste une préoccupation majeure: les enquêtes sur la réussite scolaire montrent un faible niveau d’instruction même pour les enfants ayant fréquenté l’école pendant des années (Pratham 2010). Si désormais on maîtrise mieux les moyens d'amener les enfants à l’école, il reste encore beaucoup à faire pour améliorer la qualité de l'enseignement, et ce à moindre coût.
L’utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC) est devenue un axe de réflexion majeur pour ces pays cherchant à améliorer la qualité de leur système éducatif. Plusieurs pays ont décidé d’augmenter le nombre d’ordinateurs dans les établissements scolaires considérant que les écoles tireront profit de l’utilisation des nouvelles technologies et que les élèves ont besoin de se les approprier le plus tôt possible. Pourtant, en dépit de l’adoption et de la demande croissantes des TIC dans l’enseignement, peu de recherches systématiques et de données solides sont disponibles sur les méthodes d’utilisation des TIC dans les classes. On sait encore moins quels sont leurs impacts sur les résultats scolaires, les comportements sociaux, l’emploi ou la productivité des travailleurs. Alors que la littérature éducative prête beaucoup d’attention et d’intérêt aux programmes utilisant les TIC, les évaluations sérieuses sont encore trop rares pour apporter des conclusions générales sur leur efficacité.
Cette étude s’attache à comprendre comment nouvelles technologies et méthodes d’enseignement peuvent interagir avec les ressources existantes et comment elles affectent de manières différentes les élèves ayant des besoins et des capacités diverses.
Context of the evaluation
Bien que les taux d’inscription aient beaucoup augmenté en Inde, une enquête nationale récente sur les enfants des zones rurales (ASER 2007) révèle que seuls 58,3% des enfants de CM2 peuvent lire un texte de niveau CE1. De même, seule la moitié des enfants scolarisés de 9 à 10 ans peuvent résoudre un problème mathématique élémentaire. Les programmes d’enseignement assisté par ordinateur (EAO) génèrent beaucoup d'enthousiasme en Inde, où la haute technologie est florissante. Ces programmes sont conçus pour revoir les sujets que les élèves ont déjà vus en classe, en utilisant des outils originaux et interactifs. Mais les écoles ont très peu d’aide et de conseils sur la manière d’utiliser cette assistance pédagogique par ordinateur, ou même si elles doivent ou non l’utiliser.
Details of the intervention
Cette étude mesure l’impact d'un programme d'enseignement assisté par ordinateur (EAO), mis en oeuvre de deux manières différentes, afin d’illustrer comment un même programme peut produire des résultats radicalement différents selon le contexte et sa mise en œuvre. Conçu en deux phases et mené dans quatre communautés de l’ouest de l’Inde, toutes les écoles ont fait partie du projet Gyan Shala de Education Support Organization, une ONG qui développe de nouveaux systèmes pour offrir un enseignement primaire de base aux enfants des familles pauvres.
Dans la première phase, un groupe test de 392 élèves de CE1 et CE2, pris dans 23 écoles, a participé, pendant un an, au programme d'EAO n°1 : Ces élèves recevaient une heure d'EAO par jour pendant les heures d’école à la place du programme habituel. Dans la seconde phase de l’étude, un nouveau groupe test de 682 élèves de CE1 et CE2, pris dans 37 écoles, ont participé au programme EAO n°2: pendant un an, ces élèves recevaient une heure d'EAO par jour après l’école, en plus du programme scolaire normal.
Les deux groupes d’élèves étaient comparés à un groupe témoin du même âge fréquentant les mêmes écoles mais ne recevant pas d'EAO. Les progrès des élèves ont été mesurés en comparant les résultats des examens en mathématiques et en langue, du mois d’avril de l’année précédent l’étude aux résultats du mois d’avril de l’année scolaire en cours pendant l’étude.
Results and policy lessons
Méthode 1 versus méthode 2 : les élèves qui ont participé au programme EA0 n°1 ont des résultats en mathématiques d’un écart-type supérieur de 0,28, en moyenne, à ceux du groupe témoin. De leur côté, les élèves ayant participé au programme d'EAO n°2, ont un écart-type inférieur de 0,57 en mathématiques par rapport à ceux du groupe témoin. Il est étonnant qu’une intervention permettant une heure par jour d’apprentissage par ordinateur, en dehors des autres méthodes d’enseignement, ait un effet largement négatif sur tous les élèves. Mais le programme d'EAO n°2 a par ailleurs donné des résultats plus positifs pour les élèves les moins performants, un effet qui n’a pas été observé dans le programme n°1. Cette différence d'impact entre les élèves les plus faibles et les plus forts (un changement très faible et insignifiant pour la majorité des élèves mais un gain d’écart-type de 0,47 pour les élèves les plus faibles) semble refléter la conception du programme mettant plus l’accent sur le renforcement des sujets déjà abordés en classe que sur la découverte à leur rythme de sujets nouveaux. Ainsi la méthode et le contexte de la mise en place d'un programme d'EAO jouent-ils un rôle important pour déterminer son impact.
Le rapport coût/efficacité de l'EAO: le rapport coût/efficacité du programme d'EAO n°2 est de 3,22$ à 4,59$ par dixième d’écart-type dans les résultats aux examens, correspondant à la moyenne des autres interventions sur les performances scolaires dans les pays en voie de développement. Le programme d'EAO en ville était plus rentable que d'autres programmes d'EAO basés sur les mathématiques: il est aussi rentable que les programmes de bourses pour les filles, les primes en espèces pour les professeurs ou la fourniture de livres scolaires. Il est moins performant qu’un programme de tutorat et que certains programmes de formation des professeurs.
Intérêt pour les politiques publiques : ces résultats mettent l’accent sur l’importance de considérer à la fois le caractère productif lié aux contextes de l’apprentissage et les effets que ces différences ont sur différents types d’élèves. Dans cette étude, l’intervention est efficace uniquement en tant que complément du programme scolaire habituel. Les décideurs ne devraient pas considérer uniquement le fait de savoir si un programme marche, mais à quel point il marche en fonction de ce que les élèves expérimentent d’un autre côté. Comme l’évaluation actuelle le démontre, le format de la mise en œuvre peut faire la différence entre d’un côté, offrir une assistance aux élèves faibles et de l’autre, faire que les élèves apprennent moins que ce qu’ils auraient appris sans l’intervention.